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la page du savant - ἀκροάομαι ,écouter Oyez, oyez, bonnes gens, une bonne étymologie de ce mot
  

 

Une étymologie pour ἀκροάομαι ?

 

Version remaniée

d’un article paru en avril 2002 dans Connaissance hellénique

 

 

 

Ce mot ἀκροάομαι, écouter s’emploie pour l’écoute attentive, celle qui accorde une grande importance au discours entendu, comme celle des juges au tribunal, des spectateurs au théâtre, du peuple à l’Assemblée. Il s’agit en particulier d’être l’auditeur, c’est-à-dire le disciple d’un maître. Il s’agit aussi de l’écoute qui débouche sur l’obéissance. De même pour ὁ ἀκροατής, -οῦ, l’auditeur, le disciple. De même pour τὸ ἀκρόαμα, qui désigne tout ce qu’on écoute avec un intérêt particulier (un chant, une musique, la déclamation d’une œuvre littéraire).

Le mot n’appartient pas au fonds le plus ancien de la langue. Il est inconnu de la langue homérique. C’est un mot de l’attique courant : Thucydide, Platon, Xénophon, Ménandre… Il n’est pas chez les Tragiques : sans doute n’a-t-il pas ses lettres de noblesse : il doit venir du langage parlé.

Comme étymologie, on admet depuis le fin du 19e s. que le terme s’explique à partir de *ἀκρ-ουσ-άομαι, le premier élément étant ἄκρος, pointu, et le second étant la forme ancienne du radical du nom de l’oreille : τὸ οὖς, ὠτός, anciennement *οϝσ-ος, *ὀϝσ-ατος. Il y aurait en somme, à l’origine de ce verbe, une expression d’allure familière signifiant faire ἄκρον οὖς, dresser l’oreille en pointe, à la façon d’un animal attentif à un son.

Ce qui peut faire douter de cette hypothèse ingénieuse, c’est que par ailleurs nous n’avons nulle trace d’une expression ἄκρον οὖς pour évoquer une écoute attentive. En outre, elle n’est pas très adéquate pour suggérer l’image d’une oreille qui, telle une oreille animale, se dresserait sous l’effet de l’attention : τὸ ἄκρον οὖς signifierait l’oreille pointue et ἄκρον τὸ οὖς le bout de l’oreille (cf. grammaire Ragon-Dain, § 199, R. II, p. 142).

Il dresse l’oreille se dit ὀρθὸν οὖς ἵστησι ; l’expression se rencontre, mais sans idée d’écoute, dans Sophocle, Électre, 27, à propos d’un cheval dont on évoque l’ardeur. Pour l’oreille qui se fait attentive à l’écoute, on a l’expression παρέχειν τὰ ὦτα, prêter l’oreille (Platon). On trouve aussi, chez Philon d’Alexandrie et dans divers textes tardifs, ἀνορθιάζειν au sens de dresser l’oreille pour écouter. C’est encore ici ὀρθός, et non ἄκρος, qui est à la base de l’expression. Force nous est de conclure que l’étymologie devenue traditionnelle de ἀκροάομαι n’est étayée par rien, qu’elle ne repose que sur de l’imaginaire, qu’elle est « en l’air »..

Il nous faut donc essayer de découvrir autre chose.

Dans l’Etymologicum Magnum, recueil d’origine byzantine, nous trouvons notre verbe donné sous la forme active ἀκροῶ et expliqué de la manière suivante : παρὰ τὸ ἀκούω, ἀκοῶ, καὶ πλεονασμῷ τοῦ ρ ἀκροῶ, du groupe ἀκούω, ἀκοῶ, et par addition de ρ on a ἀκροῶ.

Nous n’avons pas d’autre attestation de cet ἀκοῶ. Nous pourrions donc le ranger parmi les bizarreries dont il n’y a rien à tirer qu’on trouve assez souvent chez les grammairiens et lexicographes de l’Antiquité. Mais souvent aussi ces apparentes bizarreries proviennent de l’érudition de ces grammairiens et lexicographes, qui    nous ont conservé des formes que l’usage courant a éliminées, et qui peuvent nous éclairer. Il se peut que ce soit ici le cas.

Voyons le verbe ἀκούω. L’étymologie en a été discutée. Nous n’allons pas ici entrer dans les détails. Disons simplement que ce groupe se rattache à un thème *ἀκεϝ/*ἀκοϝ, avec adjonction d’un σ qui apparaît à certaines formes, comme ἠκούσθην, ἤκουσμαι.

Le parfait actif ἀκήκοα est formé sur le degré o attendu *ἀκοϝ, et ce degré o s’est étendu à l’ensemble de la conjugaison.

Sur ce même degré o se forme régulièrement ἡ ἀκοή, l’écoute, qu’on fait remonter à *ἀκουσᾱ (Lejeune, Phonétique, § 266). Donc <*ἀκοϝσᾱ. C’est le type ἡ τροφή, la nourriture.

Or ces mots de la première déclinaison peuvent donner naissance à des verbes dénominatifs (c’est à dire dérivés de noms) en -άω : de ἡ τιμή, l’honneur on dérive τιμάω, honorer. Il y a une multitude de verbes ainsi formés.

L’insolite ἀκοῶ (< *ἀκοάω) qui nous a étonné plus haut entre parfaitement dans les structures du grec : il s’interprète aisement comme un verbe dénominatif formé régulièrement sur ἀκοή. Alors cette donnée de l’antique lexicographe, ainsi inter­prétée, devient l’unique attestation d’un mot par ailleurs disparu.

Il arrive qu’un terme ayant place dans le système de créativité lexicale de la langue ne soit pas attesté et nous semble n’être qu’une pure virtualité. Mais il arrive que son attestation survienne inopinément, de façon quasi-accidentelle. Ainsi, dans la famille de  nous avons régulièrement le nom d’agent ὁ ἀγός, le conducteur. On attend un nom d’action ἀγή, comme on a τροφή, nourriture à côté de τροφός, nourricier. Ce nom d’action ne pouvait être qu’une virtualité aux yeux des hellénistes jusqu’au jour où il fut découvert dans une inscription de Chios.

Ceci posé, pouvons-nous, à partir de notre insolite ἀκοάω, aboutit à ἀκροάομαι ? Il n’y a aucun problème, bien entendu, pour le mettre au moyen : ἀκοάομαι. Reste à y insérer le ρ. Il ne suffit pas d’affirmer simplement, comme le fait l’Etymologicum Magnum, que le phénomène s’est produit. Il faut essayer d’en rendre compte.

C’est ici que l’étude de la signification précise de ἀκροάομαι et de ses dérivés va nous guider vers une hypothèse.

Cette signification, nous l’avons soulignée dans le premier paragraphe de cette étude : il s’agit d’une écoute intense, où le sujet s’implique (d’où la voix moyenne).

Ce caractère tout spécial de cette écoute peut avoir eu, dans la famille de ἀκούω, deux conséquences expliquant l’aboutissement à ἀκροάομαι :

1- Un certain renouvellement du vocabulaire. On ne s’est pas contenté du couple ἀκούω/ἀκοή : on a créé *ἀκοάω sur ἀκοή. (de même qu’en français le couple règle/régler n’a pas suffi : on a créé règlement, règlementer, règlementation).

2- Une déformation due à l’influence d’un mot sémantiquement présent à l’arrière-plan. Nous avons affaire à une écoute portée au plus haut point. Or ce qui présente une telle caractéristique peut être qualifié de ἄκρος : il s’agit d’une ἄκρα ἀκοή, l’auditeur est en train de ἄκρως ou ἄκρα *ἀκοάεσθαι : c’est ainsi que ce dernier mot aurait pu se déformer en ἀκροάεσθαι. On observe dans toutes les langues des processus de ce genre. Le langage parlé leur est favorable.

                                                                                   Jean-Victor VERNHES

    Université de Provence

 

 

 

 


Date de création : 11/01/2016 18:21
Dernière modification : 24/11/2017 17:16
Catégorie : la page du savant
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Notre assemblée générale se tiendra

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Elle sera suivie d’une conférence, organisée en partenariat avec
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 "La Princesse et les Sauterelles" 

par Yves LEFAUCONNIER

le vendredi 15 Mars 2024 à 18 h 30

 

 "La Princesse et les Sauterelles" 

 

Décembre 1096. Les croisés, partis d'Occident, se dirigent vers la terre sainte pour délivrer Jérusalem. Ils doivent passer par Constantinople, où ils sont accueillis par l'empereur Alexis Comnène avec une méfiance dont l'avenir montrera qu'elle était justifiée. Nous évoquerons cet épisode méconnu en nous fondant sur le récit d'Anne Comnène, fille de l'empereur, qui compare les croisés à un vol de sauterelles, ces prédatrices dont le paysan ne sait si elles ravageront son propre champ ou celui du voisin.

 

 

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